À compter du 1er octobre 2025, une réforme importante du régime des nullités en droit des sociétés civiles et commerciales va entrer en vigueur.

Cette réforme vise à simplifier et clarifier le droit des sociétés, tout en apportant plus de prévisibilité et de sécurité juridique en limitant les effets de la nullité et en renforçant le contrôle judiciaire.

La prévention des nullités en cascade

En réaction aux observations des praticiens ayant souligné les risques des nullités « en cascade » pour le fonctionnement régulier des sociétés, deux nouveaux dispositifs seront mis en place :

  • D’une part, lorsque la rétroactivité de la nullité d’une décision sociale sera de nature à produire des effets manifestement excessifs pour l’intérêt social, les effets de cette nullité pourront être différés ;
  • D’autre part, sauf disposition législative contraire, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraînera pas la nullité des décisions prises par celui-ci ;

L’instauration d’un « triple test » dans le cadre du contrôle judiciaire

Le juge saisi d’une action en nullité devra appliquer un « triple test » avant de prononcer la nullité d’une décision sociale. Il devra déterminer si les conditions suivantes sont remplies :

  • Le demandeur justifie d’un grief résultant d’une atteinte à l’intérêt protégé par la règle dont la violation est invoquée ;
  • L’irrégularité a eu une influence sur le sens de la décision.
  • Les conséquences de la nullité pour l’intérêt social ne sont pas excessives, au jour de la décision la prononçant, au regard de l’atteinte à l’intérêt dont la protection est invoquée

Le « triple test » fera l’objet d’exceptions dans certaines situations, qui vont de la transformation d’une SARL en SNC ou en commandite sans l’accord unanime des associés au non-respect de la politique de rémunération de la société cotée, en passant par la nomination irrégulière d’un administrateur de SA.

La possibilité de prévoir des cas de nullité pour violation des statuts

Les statuts des SAS pourront désormais prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils ont établies. L’utilisation de cette clause aura pour effet d’accroître les causes de nullité des décisions sociales. Pour autant, cette nullité ne sera prononcée devant le juge que sous réserve de l’application du triple test évoqué précédemment.

L’aménagement des délais de prescription

Le délai de prescription pour agir en nullité d’une décision sociale sera réduit de trois à deux ans, le point de départ demeurant le jour où la nullité est encourue.

En matière d’augmentation de capital dans les sociétés par actions, un nouvel article L. 225-149-4 fait varier le point de départ du délai de trois mois selon que l’opération a fait ou non l’objet d’une délégation de pouvoirs ou de compétence.

L’unification des règles dans le Code civil

Comme en témoigne l’abrogation des articles L. 235-1 à L. 235-14 du Code de commerce, toutes les règles générales régissant le droit des sociétés, y compris commerciales seront désormais regroupées au sein du Code civil.

Dorénavant, la nullité des décisions sociales ne pourra résulter que de la violation d’une disposition impérative de droit des sociétés, à l’exception du dernier alinéa de l’article 1833 (prévoyant que la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité), ou de l’une des causes de nullité des contrats en général. La nullité s’appliquera que la décision sociale modifie ou non les statuts.

Cette nouvelle disposition (art. 1833 al. 3 civ.), du fait de l’élargissement de son champ d’application aux dispositions impératives de droit des sociétés, aura pour effet d’accroitre les sources de nullité.

En cas de nullité de la société, il sera procédé à sa liquidation en faisant une application systématique du régime de la liquidation des sociétés commerciales, y compris lorsque la société est une société civile.

La modification du champ d’application des régularisations

Le champ d’application des régularisations est étendu dans l’hypothèse où la nullité est fondée sur l’illicéité de l’objet social.

Le dispositif d’action interrogatoire prévu en cas de nullité pour vice du consentement ou incapacité d’un associé est quant à lui abrogé.

Entrée en vigueur

Ces changements entreront en vigueur le 1er octobre 2025. La nullité des assemblées pour défaut de désignation régulière d’un auditeur de durabilité sera quant à elle reportée au 1er janvier 2027.

 

Par Didier PUECH, avocat associé

Et Basile CERVERA, élève avocat EDACS