Recours au contrat de sous-traitance : Appel à la vigilance !
Article par Caroline Favre de Thierrens, avocat chez Eleom avocats à NIMES.
Le recours à un sous-traitant permet parfois plus de souplesse dans la gestion de son activité. Mais l’entreprise, qui fait appel à un sous-traitant, doit faire preuve de vigilance, afin d’éviter :
- de voir cette relation requalifiée en contrat de travail dissimulé ou prêt de main d’œuvre illicite
- de régler les cotisations sociales impayées de son sous-traitant
1) Sur le risque de requalification en contrat de travail ou en prêt de main d’œuvre illicite
Il est rappelé que l’emploi salarié de faux travailleurs et le prêt de main d’œuvre (en dehors de l’intérim) sont sanctionnés pénalement.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 10 janvier 2017, a confirmé la sanction pénale prononcée par une Cour d’appel à l’encontre d’une entreprise, qui «a eu recours à une fausse sous-traitance » et qui a « poursuivi, sous ce couvert, une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre ».
En l’espèce, l’entreprise principale, notamment :
- Négociait les prix des chantiers
- Imposait des contrats de sous-traitances types
- Exerçait un pouvoir de direction et de contrôle à l’égard des employés de la Société sous-traitante
- Etait destinataire des comptes rendus des travaux réalisés, des relevés des heures de travail
- Disposait du tampon de l’entreprise sous-traitante.
Ainsi, il ne faut donc pas oublier que le sous-traitant intervient sur un chantier en tant qu’indépendant, avec son propre outillage et pour accomplir une tâche précise, payée de manière forfaitaire.
Un salarié, au contraire, agit sous les ordres et directives de son employeur, perçoit une rémunération horaire et utilise le matériel et outillage mis à sa disposition.
Ainsi, voici quelques règles à suivre lorsque l’on fait appel à un sous-traitant :
- Lui confier une tâche précise, payée au forfait ou au métré, et non à l’heure
- Ne pas diriger un sous-traitant, comme son propre salarié
- Ne pas mettre à sa disposition l’outillage de base, et les équipements de sécurité obligatoire (casques, chaussures de sécurité…)
- Se faire remettre son attestation d’assurances
Il n’est que trop recommandé de faire de preuve d’une vigilance renforcée lorsque votre sous-traitant est auto-entrepreneur.
C’est avec fermeté que la Cour de cassation rappelle qu’un autoentrepreneur doit être considéré comme un salarié si son organisation du travail révèle qu’il n’est pas réellement indépendant mais qu’il se place au contraire sous la direction et le contrôle d’une entreprise « donneur d’ordre » (Cass. soc. 22-3-2018 n° 16-28.641).
Ainsi, si l’auto entrepreneur travaille dans les mêmes conditions de travail qu’un salarié, il pourrait être reconnu comme tel.
Ainsi, pour éviter cette requalification, outre, les explications ci-dessus rappelées, il est important que l’auto-entrepreneur soit autonome et ne soit pas sous la subordination de l’entreprise principale.
Ainsi, l’auto-entrepreneur ne doit pas :
- Recevoir des ordres
- Respecter un planning horaire
- Interagir avec les salariés de l’entreprise principale
- Travailler exclusivement pour l’entreprise principale
Les risques d’une requalification sont importants du point de prud’homal (rappels de salaires, congés payés, dommages intérêts en cas de rupture du contrat, règlement à l’URSSAF des charges correspondantes) et d’un point de vue pénal….
2) Sur le risque d’avoir à supporter les cotisations sociales impayées
Il est rappelé que l’entreprise principale est soumise à une obligation de vérification, l’article D 8222-5 du code du travail imposant ainsi de se faire remettre notamment les documents suivants par le sous-traitant :
- Une attestation de fourniture des déclarations et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale émanant de l’URSSAF de moins de 6 mois
- Un extrait k-bis, justificatif d’inscription au répertoire des métiers ou pièces justifiants d’une inscription ou immatriculation en cours.
En cas de contrôle, l’entreprise principale peut être condamnée solidairement au paiement des cotisations et majorations de retard dues à l’URSSAF par le sous-traitant.
Dans un arrêt du 11 février 2016, la Chambre sociale de la cour de cassation ( N° 15 10168) a rappelé le principe selon lequel le donneur d’ordre se devait de demander l’attestation établie par l’URSSAF :
« Mais attendu que les documents énumérés par l’article D. 8222-5 du code du travail sont les seuls dont la remise permet à la personne dont le co-contractant est établi en France lorsqu’elle n’est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l’article D. 8222-4, de s’acquitter de l’obligation de vérification mise à sa charge par l’article L. 8222-1 ;
Que l’arrêt constate qu’en l’espèce les documents fournis par les sous-traitants de la société se limitaient à une autorisation préfectorale, un extrait Kbis non à jour et à une attestation établie par eux-mêmes certifiant respecter leurs obligations sociales ; qu’il n’était pas justifié de la fourniture par les sous-traitants de l’attestation établie par l’URSSAF au sujet de la régularité de leur situation en matière de déclarations sociales, document essentiel, seul de nature à assurer le donneur d’ordre que son co-contractant est véritablement en règle au regard de ses obligations ;
Que de ces constatations, la cour d’appel a exactement déduit que la société ne s’étant pas fait remettre par ses co-contractants les documents mentionnés à l’article D. 8222-5 du code du travail, elle n’avait pas procédé aux vérifications qui lui incombaient, de sorte qu’elle était tenue à la solidarité financière prévue par l’article L. 8222-2 du même code »
En l’espèce, le donneur d’ordre avait obtenu une attestation rédigée par le sous-traitant qui certifiait qu’il était à jour de ses cotisations sociales.
Or, la Cour de cassation a censuré, estimant que l’entreprise principale se devait d’obtenir l’attestation URSSAF sus visée, ainsi que tous les documents visés par l’article D 8222-5 du code du travail.