Dans deux arrêts récents, la Cour de cassation se montre sévère avec les agents immobiliers, et ce même si leurs clients sont des fraudeurs
Article par Caroline Favre de Thierrens, avocat, chez Eleom Avocats à Nîmes.
La jurisprudence ne cesse de renforcer l’obligation d’information et de conseil de l’agent immobilier, allant même jusqu’à reprocher de ne pas avoir conseillé un vendeur de mauvaise foi, qui avait dissimulé sciemment un projet de rocade à ses acheteurs.
Sur une question d’insolvabilité de l’acheteur, la Cour de cassation a également retenu la responsabilité de l’agent immobilier.
Arrêt de la 3ème cassation du 9 janvier 2019 ( 18-10245)
Les faits de l’espèce sont simples : Un couple vend un bien immobilier, par l’intermédiaire d’un agent immobilier, en n’informant pas (en toute mauvaise foi) les acquéreurs d’un projet de rocade routière à proximité. Les acheteurs obtiennent la nullité de la vente. Les vendeurs imaginent assigner l’agence immobilière en lui reprochant un manquement à son obligation de conseil, à l’origine selon eux de la nullité de la vente.
L’agent immobilier rétorque, en indiquant :
- Que les vendeurs n’avaient pas besoin du conseil d’un agent immobilier pour se rendre compte que leur silence délibéré trompait leurs cocontractants
- Que l’agent immobilier ne pouvait rien apprendre aux vendeurs, puisqu’ils connaissaient parfaitement le projet de rocade dissimulé
La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 9 janvier 2019 (n° 18 10245), a donné raison aux vendeurs :
« Il incombait à l’agent immobilier, tenu d’une obligation de conseil, d’informer ses mandants de la nécessité de porter à la connaissance des acquéreurs l’état d’avancement du projet de rocade ».
L’agent immobilier doit donc conseiller les fraudeurs de ne pas frauder …
Arrêt de la Cour de cassation du 11 décembre 2019 n ° 18-24381
Les faits de l’espèce sont les suivants : une promesse est régularisée par l’intermédiaire d’un agent immobilier. Les acquéreurs ont déclaré ne pas avoir recours à un prêt. Le jour de la signature de l’acte authentique, les acquéreurs ne se présentent pas. Les vendeurs ont attaqué l’agent immobilier et les acheteurs en indemnisation.
La responsabilité de l’agent immobilier a été retenue par la Cour de cassation :
Attendu que, pour rejeter leur demande dirigée contre l’agent immobilier, l’arrêt retient que, si l’acquéreur, âgé de 25 ans, célibataire, cariste magasinier, a déclaré ne pas avoir recours à un emprunt pour acquérir le bien, ces éléments, figurant à la promesse de vente, n’ont jamais été dissimulés aux vendeurs qui les ont acceptés et sont toujours demeurés libres de ne pas contracter s’ils estimaient que les garanties offertes n’étaient pas suffisantes, et que l’agent immobilier ne dispose pas de plus de moyens qu’un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l’acquéreur ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’agent immobilier n’avait pas justifié avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties ou les avoir mis en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur qu’il leur avait présenté, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS /CASSE ET ANNULE,
De nouveau, la Cour de cassation se montre sévère à l’égard des agents immobiliers et renforce leur obligation de conseil.
Cela va de plus en plus vers une obligation de conseil renforcée, alors même que les vendeurs sont dotés d’intelligence, de logique et de bon sens…