La méthode de fixation des loyers hôteliers, communément désignée « méthode hôtelière », correspond aux usages professionnels et a été appliquée si ce n’est consacrée par la jurisprudence pendant 50 ans.

Elle a été remise en question en 2016 par la Compagnie des experts en immobilier commercial et d’entreprise (CEICE) qui proposait d’actualiser la méthode hôtelière afin de l’adapter à un nouvel environnement économique…

Cette méthode, dite « actualisée », propose ainsi de modifier les critères d’appréciation de la méthode hôtelière classique qui reposait sur la détermination de la recette théorique de l’hôtel, déterminée en fonction du prix des chambres pratiqué par l’exploitant, multiplié par le nombre de chambres de l’établissement, avec quelques abattements ( taux de remise ), ce qui permettait de déterminer un chiffre d’affaires théorique, par essence proche de la réalité économique de l’hôtel concerné.

Considérant que « la méthode partait de chiffres d’affaires théoriques TTC déterminés par les prix affichés, lesquels sont désormais très supérieurs à ceux pratiqués, [que] le chiffre d’affaires théorique initialement établi après déduction des taxes (TVA et taxe de séjour le cas échéant) devait être immédiatement corrigé (segmentation de la clientèle) », et que la clientèle privilégiait les hôtels standardisés, la Compagnie des experts a proposé l’application d’une méthode non plus fondée sur le prix des chambres affiché, mais sur le prix praticable ou applicable.

Ce prix est alors déterminé, aux termes de cette méthode nouvelle, « par transposition d’éléments connus du marché (paramètres comparables analysés en termes de prix moyens pratiqués) » et « à partir des sources documentaires qui seront mises à disposition de la compagnie ».

Il n’échappera pas au lecteur avisé que la mise en œuvre de la méthode actualisée n’est pas sans conséquence sur le montant des loyers ainsi appréciés et se dispense ainsi d’une appréciation in concreto de la valeur locative en fonction des caractéristiques propres de l’hôtel, pour finalement aboutir à une appréciation virtuelle par l’application de coefficients préétablis, entraînant une augmentation des loyers déconnectée de la réalité économique du locataire.

Cette nouvelle méthode a été critiquée par certains auteurs et praticiens, qui ont souligné qu’elle revenait à majorer mécaniquement les critères d’appréciation de l’évaluation du loyer de renouvellement des hôtels, sans que cela soit justifié par les résultats du locataire.

Ainsi un grand nombre de praticiens se sont mis à augmenter les taux de recettes, permettant ainsi, au plus grand bénéfice des bailleurs, une augmentation pouvant varier de 10 à 15 % du montant du loyer, la méthode dite actualisée devenant source de profits, surtout lorsqu’elle s’est accompagnée de la prise en compte de toutes les recettes potentielles de l’exploitant.

Or, dans le cadre d’un renouvellement de bail, la jurisprudence retient traditionnellement que les tribunaux doivent appliquer la méthode qui leur paraît la plus appropriée pour définir la valeur locative des locaux.

Il est donc nécessaire d’examiner le cœur de la fixation du loyer du bail renouvelé selon la méthode actualisée, à savoir la fixation de la recette applicable fondée, selon la Compagnie des experts, « à partir des sources documentaires qui seront mises à disposition de la compagnie »

Or, ces sources documentaires sont hautement problématiques et critiquables.

Il est apparu en effet que les sources documentaires en question sont constituées d’études d’opérateurs ou cabinets de conseils.

Ces études soulèvent plusieurs difficultés, au regard tant de leur imprécision que de la vérification des données qu’elles comportent.

Par exemple, une étude ne distingue pas selon des zones géographiques précises, mais par communes dans le meilleur des cas et ne propose pas de différenciation par nombre d’étoiles hôtelières, mais instaure de nouvelles catégories telles que grand luxe, charme, haut de gamme, milieu de gamme supérieur, milieu de gamme standard, et économique…

Cela n’est donc pas en adéquation avec la réalité des hôtels, relevant d’une nomenclature par étoiles.

Cette définition (charme, luxe, etc…), particulièrement laconique, ne semble pas permettre de catégoriser, de manière juste, un hôtel 3 étoiles par exemple.

Pour le taux d’occupation, l’étude propose les mêmes critères invérifiables

L’application de la méthode dite actualisée augmente artificiellement, et de façon considérable, le montant du loyer du bail renouvelé.

Certaines études ne distinguent pas les catégories de chambres (simple, double, supérieure), et la pratique expertale peut être tentée, de ce fait, de retenir le prix moyen de ces études pour des chambres standards, pour ensuite, sans source d’information supplémentaire, pratiquer une majoration arbitraire pour les chambres de catégorie supérieure.

Cette pratique aboutit à l’absence de prise en considération de la réalité économique de l’exploitation, les établissements concernés se voyant proposer un loyer de renouvellement alors supérieur à la capacité contributive du preneur.

Il s’en suit une augmentation artificielle du loyer : les modalités d’application de la méthode actualisée apparaissent problématiques au regard des règles légales de fixation du loyer du bail renouvelé conformément aux usages observés dans la branche considérée, en application de l’article R. 145-10 du Code de commerce.

Ces usages étaient, jusqu’à la proposition de la méthode actualisée, déterminés de façon prétorienne.

La difficulté exposée ne réside pas tant dans l’adoption d’une nouvelle méthode – qui pourrait se justifier en raison de la modification des usages observés en matière notamment de fixation du tarif des chambres, la prise en considération des tarifs affichés étant obsolète –, que dans les critères retenus par la méthode proposée.

La Compagnie des experts, en exposant ses préconisations pour la nouvelle méthode, ne démontre pas en quoi celle-ci correspondrait à la réalité économique de l’industrie hôtelière telle que constatée par le marché.

Cette nouvelle méthode pourrait alors aboutir à la fixation d’un loyer différent pour des hôtels de catégorie, d’étoiles ou d’emplacement équivalents.

Les deux critères principaux, que sont le prix praticable de la chambre et le taux d’occupation, ne sont pas le fruit de la réflexion d’experts ni de leur constat mais celui de ces études qui n’ont fait l’objet d’aucune vérification par les experts.

La méthode hôtelière actualisée est d’autant plus critiquable que, fondée sur des données imprécises et non vérifiées, elle ne permet pas aux juridictions saisies de statuer de manière éclairée.

Cette défaillance ne contribue à l’évidence pas à la manifestation de la vérité qui devrait pourtant être la préoccupation première, à la fois des magistrats et des experts.

Dans ce contexte, les preneurs sont légitimes à demander l’application de la méthode hôtelière classique.

Il faudra nécessairement tenter de convaincre les Juges des Loyers Commerciaux que la « méthode rénovée » n’est pas conforme à l’esprit de l’article R. 145-10 du Code de commerce et serait aussi un frein à l’activité économique du secteur concerné, car impliquant une hausse sensible et injustifiée des loyers.