(Conseil d’Etat, 11 avril 2024, n°489440, Région Nouvelle Aquitaine)

La question de savoir si les Associations gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) relèvent de la qualification de pouvoirs adjudicateurs au sens de l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique a fait couler beaucoup d’encre.

C’est le moins que l’on puisse dire…

Si la condition relative à la satisfaction d’un besoin d’intérêt général autre qu’industriel ou commercial ne posait pas de véritable difficulté, l’appréciation des autres critères, non cumulatifs, posés par l’article susvisé donnait par contre lieu à des interprétations divergentes.

Pour rappel, ces critères sont les suivants :

a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ;

b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur ;

c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur.

D’aucuns considérant que les produits de la tarification correspondent à des fonds publics, d’autres que les pouvoirs de contrôle et de police administrative que les autorités de contrôle et de tarification tirent des articles L. 313-13 et suivants du Code de l’action sociale et des familles relèvent de la notion de « contrôle » prévue au titre du b) ci-dessus.

Tel était notamment le cas de la Cour des comptes, lors des contrôles opérés sur les Associations gestionnaires, ou de certaines Régions lors de l’instruction des demandes de subventions formulées au titre du Fonds FEDER.

L’Association gestionnaire concernée par la décision commentée s’était justement vu opposer un refus à sa demande de subventions FEDER, sollicitée dans le cadre du financement de chaudières bois, au motif qu’elle n’avait pas respecté les principes de la commande publique dans le cadre de la mise en œuvre des marchés conclus avec les entreprises intervenant pour la fourniture et l’installation des chaudières bois.

Avec le concours de notre Cabinet, l’Association avait contesté ce refus devant le Tribunal administratif compétent, et avait obtenu l’annulation de l’acte administratif querellé.

La Région avait toutefois interjeté appel de ce jugement, et la Cour d’appel, bien consciente que la décision qu’il lui appartenait de rendre était de nature, au-delà de ce seul dossier, à impacter l’ensemble du secteur social et médico-social, avait sollicité l’avis du Conseil d’Etat.

Dans le cadre de sa décision rendue le 11 avril 2024, le Conseil d’Etat a considéré : « Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le contrôle exercé par l’administration sur ces organismes n’est pas de nature à créer une situation de dépendance à l’égard de l’autorité publique, équivalente à celle qui existe notamment lorsque l’organe de direction de la personne morale de droit privé est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur. Les gestionnaires de droit privé des établissements et services sociaux et médico-sociaux ne sauraient dès lors être regardés comme un pouvoir adjudicateur au sens du b) du 2° de l’article L. 1211-1 du code de la commande publique ».

 

Cette décision vient ainsi mettre un terme à un débat vieux de plusieurs années, en rassurant les Associations gestionnaires.

Le rapporteur public avait d’ailleurs, dans ses conclusions proposées au Conseil d’Etat, souligné le fait qu’une éventuelle reconnaissance de la soumission des Associations gestionnaires d’ESMS au Code de la commande publique poserait, en pratique, de grandes difficultés à la grande majorité des Associations qui ne disposent pas des moyens nécessaires à une telle mise en œuvre.

Cette décision appelle enfin deux observations importantes :

1/ elle ne dispense pas les Associations concernées de mener « au cas par cas » une étude approfondie pour vérifier que les critères posés par l’article L. 1211-1 du Code de la commande publique ne sont pas réunis ;

2/ elle ne dispense pas les Associations concernées de mettre en place des « marchés associatifs » pour rechercher l’efficience, et qui selon nous s’imposent dès lors que les gestionnaires d’ESMS engagent des fonds publics.

Eleom Montpellier reste à la disposition de vos Associations pour conduire ces études et vous accompagner dans la mise en place de ces marchés associatifs.