Il n’est pas rare que des travaux de réparation s’avèrent inefficaces et ne remédient pas aux désordres qu’ils étaient censés réparer. Pour autant, ces travaux de réparation n’ont pas généré de nouveaux désordres, ni aggravés les désordres existants. Dans ce cas :  quid de la garantie décennale ?

C’est à cette question que la Cour de cassation a dû répondre par arrêt en date du 15 juin 2017 (16-17.811).

Les faits de l’espèce sont simples : Madame X est propriétaire d’une maison affectée de fissures.

Des travaux de reprises de fissures sont confiées à une société.

Peu de temps après les fissures sont réapparues.

Madame X , après expertise judiciaire, assigne les entreprises et les assureurs.

La Cour d’appel a rejeté la demande de Madame X sur le fondement de la garantie décennale et la Cour de cassation a confirmé le bienfondé de cette décision, en estimant :

« Mais attendu qu’ayant relevé que les fissures avaient pour origine des tassements différentiels des structures de la maison qui avaient perduré, malgré les confortements effectués, et retenu qu’il n’était pas démontré que les travaux préconisés de reprise de désordres préexistants, lesquels avaient été exécutés par la société Cariatide et s’étaient révélés inefficaces, aient été à l’origine des désordres initiaux, ni qu’ils les aient aggravés, la cour d’appel a pu déduire, de ces seuls motifs, qu’en l’absence de lien de causalité entre les travaux de reprise inefficaces et les désordres auxquels ils devaient mettre un terme, leur responsabilité de plein droit n’était pas engagée, de sorte qu’elle a légalement justifié sa décision de ce chef »

En résumé : la garantie décennale du constructeur ne peut être engagée :

  • Si les travaux de reprises se sont révélés inefficaces
  • Si les travaux de reprises n’ont pas été à l’origine des désordres initiaux.
  • Si les travaux de reprises n’ont pas aggravé les désordres initiaux.

Ainsi, la Cour de cassation se place sur le lien de causalité en estimant que :

« En l’absence de lien de causalité entre les travaux de reprise inefficaces et les désordres auxquels ils devaient mettre un terme, leur responsabilité de plein droit n’est pas engagée ».

C’est ce que j’appelle la théorie des travaux inutiles, soit des travaux :

  • Qui n’ont pas réparé les désordres qu’ils étaient censés réparés
  • Qui n’ont pas aggravé les désordres préexistants
  • Qui n’ont pas provoqué de nouveaux désordres.

De nouveau là, la Cour de cassation nous rappelle l’importance du désordre et l’importance de démontrer le lien de causalité entre le désordre et l’ouvrage réalisé.

La Cour d’appel de NIMES a été amenée à deux reprises, à la demande d’Eleom Avocats Nîmes, à faire application de cette jurisprudence, dans un arrêt en date du 8 avril 2021 (19/04355) et en date du  21 octobre 2021 (19/03967).

Mais attention, les conditions posées par la Cour de cassation sont strictes.  Il faut que les travaux soient inutiles et qu’ils n’aient pas généré le moindre désordre ou aggravé les désordres existants.

Si les travaux de reprises sont à l’origine de désordre ou ont aggravé les désordres existants, la Cour de cassation se montre beaucoup plus sévère avec les constructeurs, puisque dans ce cas-là l’entreprise est tenue de prendre en charge l’ensemble des désordres de nature décennale.

C’est notamment le sens de l’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 4 mars 2021 (19-25.702) :

« Ayant retenu, par une décision motivée, que les désordres initiaux n’étaient pas de nature à constituer une cause étrangère de nature à exonérer l’entrepreneur dont la garantie décennale se trouvait engagée en raison de ses travaux de réparation qui, non seulement n’avaient pas permis de remédier aux désordres initiaux, mais avaient aggravé ceux-ci et étaient à l’origine de l’apparition de nouveaux désordres, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la responsabilité de cet entrepreneur était engagée pour l’ensemble des désordres de nature décennale. »

Ainsi, la Cour de cassation retient que :

  • Les désordres initiaux ne sont pas une cause étrangère de nature à exonérer l’entrepreneur de sa responsabilité. Il y a là la notion d’acceptation du support
  • La responsabilité du constructeur a été retenue car les travaux de réparation ont aggravé les désordres existants et sont à l’origine de l’apparition de nouveaux désordres.
  • Le constructeur dans ce cas est condamné à réparer l’ouvrage en son entier et prendre en charge même les travaux de nature à réparer les désordres d’origine.

La Cour de cassation indique que le constructeur ayant repris l’ouvrage doit prendre en charge « l’ensemble des désordres de nature décennale ».