Les propriétaires expropriés, abasourdis par la procédure lancée en vue de les déposséder, ne réagissent bien souvent qu’à la réception de l’offre indemnitaire que leur fait l’expropriant.

Ils perdent ainsi l’occasion de ralentir voire de paralyser la procédure d’expropriation ce qui leur permettrait a minima de mieux négocier leur indemnisation.

Il importe de rester attentif à tout projet public tel que la réalisation d’infrastructures routières ou d’aménagement urbain ainsi qu’à toute enquête publique susceptible d’impacter sa propriété.

Dès le stade des décisions administratives, qu’il s’agisse d’une délibération de conseil municipal visant l’aménagement du territoire comme un projet de Plan Local d’urbanisme, des recours existent.

La dernière possibilité, avant la phase judiciaire de l’expropriation, reste la contestation de l’arrêté déclarant un projet d’utilité publique ou l’arrêté de cessibilité.

Comme toute décision administrative, l’arrêté portant déclaration d’utilité publique du projet de l’expropriant peut faire l’objet d’une contestation gracieuse auprès du Préfet ou contentieuse devant le juge administratif, dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

Cependant, sauf à saisir le juge administratif en référé afin d’obtenir la suspension de l’exécution de cet arrêté, la phase judiciaire de la procédure d’expropriation peut suivre son cours et aller jusqu’à son terme, sans que la question de la légalité de l’arrêté déclarant le projet d’utilité publique n’ait été tranchée.

La procédure, en cas d’annulation de l’arrêté préfectoral, intervenant après l’achèvement de la phase judiciaire, conduit alors à voir l’ordonnance d’expropriation, décision qui acte du transfert de propriété entre l’exproprié et l’autorité expropriante, dépourvue de base légale.

Si la phase judiciaire est allée jusqu’à son terme, deux solutions existent en application des dispositions de l’article R. 223-6 du code de l’expropriation, synthétiquement :

– Soit le bien n’est pas en état d’être restitué, et l’exproprié perçoit alors de dommages et intérêts

– Soit s’il peut l’être, le juge désigne chaque immeuble ou fraction d’immeuble dont la propriété est restituée. Il détermine également les indemnités à restituer à l’expropriant. Il statue sur la demande de l’exproprié en réparation du préjudice causé par l’opération irrégulière. Il précise que la restitution de son bien à l’exproprié ne peut intervenir qu’après paiement par celui-ci des sommes mises à sa charge, après compensation.

Dans l’hypothèse où la restitution en nature est impossible, l’indemnité due aux propriétaires doit inclure la plus-value acquise par le bien illégalement exproprié depuis la dépossession.

Elle doit correspondre à la différence entre la valeur réelle de l’immeuble au jour de la décision constatant l’impossibilité de le restituer et le montant de l’indemnité principale de dépossession que le propriétaire a reçu, augmentée des intérêts ayant couru depuis son versement (Cass. 3e civ., 30 juin 2016, n° 15-18.508).

La situation se présente rarement mais elle est ardue à gérer tenant la nécessité de respecter des délais brefs pour saisir à nouveau le juge de l’expropriation, après l’annulation de l’arrêté portant DUP, lesquels sont fixés par l’article R. 223-2 du code de l’expropriation.

Sous peine de forclusion, le juge de l’expropriation doit être saisi dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision définitive du juge administratif annulant la déclaration d’utilité publique.

Au-delà de la nécessité de recourir à un avocat devant le juge de l’expropriation, obligatoire depuis 2020, ce dernier peut s’avérer utile bien en amont pour éviter les chausse-trappes de la procédure tant administrative que judiciaire !